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LES SCRUPULES DE M. HECTOR PESSARD


(Le cabinet de travail de M. Hector Pessard, mobilier simple. Sur la cheminée, le buste de M. Thiers. Aux murs, des portraits de M. Thiers ; dans la bibliothèque, des œuvres de M. Thiers. Assis devant son bureau, M. Hector Pessard rédige le compte rendu de la dernière pièce. Et, dans le silence, l’âme de M. Thiers plane, invisible et protectrice.)


M. Hector Pessard. (Il écrit avec fièvre, avec fureur. Les feuillets, humides d’encre, s’amoncellent sur le bureau. Et, tandis que la plume grince sur le papier, M. Hector Pessard prononce à mi-voix des bouts de phrases… des adjectifs).

« … C’est l’abjection dans la pourriture… C’est la pourriture dans l’abjection… pestilentielle… le fumier moral… l’ignoble puanteur de ces âmes sordides… littérature de boue… style putride… art de bagne… inspiration d’hôpital… rêve de lupanar… ordure… ordure… ordure… ordure !… » (Il pose la plume sur le bureau, s’essuie le front en sueur, relit les pages écrites avec une satisfaction évidente, sourit… Puis il étire ses bras mollement, et tout haut :)… Encore une