Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/171

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» – Mais pourquoi ?… Voyons, pourquoi ? .. Ils ont dit quelque chose ?… Ils ne l’ont pas emmenée comme ça, sans raison ?… Ils ont dit pourquoi ?…

« Et le vieux, ayant secoué la tête, répliqua :

» – Ils n’ont rien dit… ils ne disent jamais rien… Ils viennent, comme des diables, on ne sait d’où… Et puis, quand ils sont partis, il n’y a plus qu’à se frapper la tête contre les murs et à pleurer…

» – Mais elle ? insistai-je… elle ?… Elle a bien dit quelque chose ? Voyons… elle a protesté ?… Elle les a menacés de moi, de l’empereur, qui est mon ami ?… Elle a bien dit quelque chose ?…

» – Que veux-tu donc qu’elle ait dit, la chère âme ?… Et qu’est-ce qu’elle aurait pu dire ? Elle a joint ses deux petites mains, comme devant les saintes Images… Et puis voilà… Maintenant, toi, et nous deux, à qui elle était comme la vie… nous n’avons plus qu’à pleurer, tant que nous vivrons… Car elle est partie pour là d’où l’on ne revient jamais… Dieu et notre père le Tsar soient bénis !

« Je compris que je ne tirerais pas d’autres renseignements de ces résignées et fidèles brutes, et je sortis, dans la rue, courant aux informations. Je fus renvoyé d’administration en administration, de bureaux en bureaux, de guichets en guichets, et, partout, je me heurtai à des visages muets, à des âmes verrouillées, à des yeux cadenassés, comme des portes de prison… On ne savait