Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/175

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voyait qu’il souffrait d’un mal inconnu, avec un admirable courage silencieux. En examinant ses yeux, je sentais… ah ! je sentais fraternellement qu’il ne savait pas, qu’il ne savait rien, lui non plus, qu’il était triste de toute la tristesse infinie de son peuple, et que la mort rongeait, affaissait, peu à peu, vers la terre, sa puissante carrure d’impérial et mélancolique géant. Et une immense pitié montait de mon cœur vers le sien… Alors, pourquoi n’ai-je pas osé pousser le cri qui, peut-être, eût sauvé ma sœur ?… Pourquoi ?… Hélas ! je ne sais pas.

» Après des jours et des nuits d’indicibles souffrances, ne pouvant plus vivre ainsi et décidé à tout risquer, j’allai chez le directeur de la police.

» – Écoutez, déclarai-je fermement… je ne viens point vous apporter d’inutiles paroles… je ne vous demande pas la grâce de ma sœur, je ne vous demande même pas où elle est… Je veux seulement savoir si elle vit ou si elle est morte…

« Le directeur eut un geste d’ennui.

» – Encore !… fit-il… Et pourquoi toujours penser à cela, mon cher ?… Vous n’êtes guère raisonnable, en vérité… et vous vous donnez bien du mal inutilement… Voyons !… tout cela est loin, déjà… Faites comme si elle était morte…

» – C’est précisément ce que je veux savoir… insistai-je… Ce doute me tue… Est-elle morte, ou vit-elle encore ?… Dites-le moi…

» – Vous êtes étonnant, mon cher… Mais je n’