Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/27

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« Alors, je compris pourquoi, depuis vingt ans, on n’avait pas vu d’enterrement à X… On déménageait les morts à la cloche de bois !…

« Furieux d’avoir été joué de la sorte par les autorités municipales et casinotiques, j’interpellai un des croque-morts dont la trogne luisait parmi cette nuit shakespearienne :

» – Hé ! l’ami… qu’est-ce que c’est ?… demandai-je en lui montrant les cercueils.

» – Ça ? fit-il… c’est des malles d’étrangers qui partent.

» – Des malles ?… Ha ! ha ! ha !…

» – Oui, des malles… Et nous les portons à la gare… à la grande gare.


« Un sergent de ville, qui dirigeait la manœuvre, vint à moi.

» – Retirez-vous, monsieur, pria-t-il poliment… Vous gênez ces hommes… Ils sont en retard… Ces malles – car ce sont des malles – sont fort lourdes… Et le train n’attend pas…

» – Le train ?… Ha ! ha !… ha !… Et où va-t-il, ce train ?

» – Mais…

» – Il va à l’Éternité, n’est-ce pas ?

» – L’Éternité ? dit le sergent de ville, froidement… Je ne connais point ce pays-là…

« Le lendemain, tu penses si je terrifiai le maire de la ville… le directeur de l’établissement… le tenancier du Casino, par cette aventure… Je les menaçai de tout dévoiler… Ils m’apaisèrent en