Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/279

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que indéniable… la signature, quoi ! Ah !… ah ! ah !… ce pauvre Chomassus…, en a-t-il des choses à apprendre encore !…

Le marquis referma la portière.

— Et vous en avez une veine, vous !… cria-t-il.. Et vous savez… mes armes, sur les panneaux… vous pouvez vous en servir… je vous en donne l’autorisation formelle… Ah ! nom de Dieu !… sacré Chomassus !… Venez voir les chevaux maintenant…

Chomassus vit les chevaux et les acheta. Il vit aussi les harnais et les acheta également ; mais les chevaux se brisèrent les genoux à la première sortie ; les harnais, dont le cuir était pourri, s’émiettèrent comme de la peau morte sur une plaie… Quant aux voitures, il dut remplacer, d’abord les roues, puis le train, puis la caisse. Il en eut pour neuf mille cinq cents francs…

Et il se disait :

— C’est égal… j’aurais mieux aimé un petit tonneau, en bois verni, avec un petit cheval…

Il redevenait républicain modéré, en avait assez des marquis, des pompes royales… des voitures de luxe… des croix de Binder… songeait avec tendresse à M. Goblet. Et, le cœur meurtri par son aventure, souvent il rageait :

— Si c’est ainsi que la monarchie fait marcher le commerce… eh bien, merci !

Il lui arriva même cette disgrâce suprême que tout le monde, à Norfleur, lui riait au nez…