Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/293

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d’abord, ce fut un monsieur, fort élégant, en tenue de soirée, décoré, ma foi ! et qui bourrait d’objets précieux une jolie valise en cuir jaune. La valise ne m’appartenait pas, mais les objets précieux étaient bien à moi, ce qui me parut une opération contradictoire et malséante, contre laquelle je me disposai à protester. Bien que je ne connusse pas du tout ce monsieur, il avait pourtant un visage qui m’était familier, et comme on en rencontre sur les boulevards, au théâtre, dans les restaurants de nuit, un de ces visages corrects et soignés qui vous font dire de ceux à qui ils appartiennent : « Ça doit être un homme de cercle ! » Prétendre que je n’eusse pas le moindre étonnement de voir chez moi, à quatre heures du matin, un monsieur en habit, et que je n’avais pas convié à y venir, cela serait exagéré. Mais cet étonnement ne se doublait d’aucun autre sentiment, frayeur ou colère, dont s’accompagnent ordinairement ces visites nocturnes. L’air d’élégance et de bonne humeur et de ce clubman m’avait tout de suite rassuré, car, je dois le confesser, je ne m’attendais à rien de tel, et je craignais plutôt de me trouver face à face avec une horrible brute de cambrioleur, et qu’il fallût me livrer contre lui à des actes de violence défensive pour lesquels je ne me sens pas d’inclination et dont on ne sait pas toujours comment ils finissent. À ma vue, l’élégant inconnu s’était interrompu dans