Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/373

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le touchais presque, je me penchai vers lui, et tout bas :

— Vous n’avez que lui ? demandai-je.

— Oui… fit-il, péniblement.

— Et… il… ressemble… à la morte ?

Le petit monsieur rougit…

— Oui… oui… hélas !

— Elle devait avoir vingt ans ?

Je vis de l’épouvante en ses yeux ; un tremblement secoua ses pauvres jambes grêles et osseuses… Il ne répondit rien.

Jusques à la station de Carnac, nous n’échangeâmes plus une parole. Le train filait dans un grand espace dénudé, une plaine biblique, avec des lointains d’Orient, d’un mystère poignant… J’aurais voulu, cependant, parler au petit monsieur, lui dire des choses consolantes, je ne sais quoi d’affectueux. De savoir que quelqu’un sur la terre avait pitié de lui, cela lui eût été une douceur. Peut-être eût-il mieux supporté sa lourde vie !

En vain, je cherchai…

Je descendis du wagon sans me retourner. Et le train continua sa marche, emportant le petit monsieur, que je ne reverrai plus jamais… Oh ! si j’avais pu trouver le mot qu’il fallait à sa douleur !… Mais qui donc, jamais, l’a trouvé, cet insaisissable mot ?

Après avoir, pendant quatre heures, marché dans les landes et sur la grève, j’entrai dans une petite