Page:Mirbeau - Les Vingt et un Jours d’un neurasthénique, 1901.djvu/72

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— Il n’y a pas de grand ou de petit art… Il n’y a pas d’art vieux ou d’art jeune… il y a l’art…

Après avoir proclamé cette profession de foi, je continuai :

— À la Comédie-Française, jamais rien de désordonné, de tumultueux ; jamais cet imprévu que la vie donne aux expressions du visage, aux gestes, aux cris… toujours le même tragique figé, toujours le même froid comique. On n’a jamais l’impression forte, nécessaire et émouvante, que ce soient des hommes, des femmes, réellement vivants, qui marchent, pleurent, ou souffrent, ou rient, sur cette scène glorieuse, mais bien des statues dont la voix – car ces statues parlent – est aussi froide et polie que le marbre dont elles sont faites. C’est une convention que je vous demande de substituer à une autre convention ? D’accord, et je sais que le théâtre ne vit que de conventions. Mais ces conventions, ne pourrait-on les rendre plus logiques et plus belles, en les rapprochant le plus possible de la nature, de la vie, en dehors de quoi il n’y a pas d’art… en dehors de quoi il n’y a rien… Non, m’échauffai-je, en répondant à un geste d’ailleurs vague, de M. Leygues, la Comédie-Française n’est pas réellement un théâtre ; c’est un musée… Notez que tous ces comédiens ont énormément de talent… Et s’ils ne l’emploient pas à quelque chose de plus auguste, la faute en est à l’éducation première qu’ils reçoivent…