Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/118

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savait long sur les choses de la mer, me raconta, tandis que la vague, avec un bruit de canonnade, battait le pied de la falaise au haut de laquelle nous étions étendus, sous le soleil :


« Jean Donnard et Pierre Kerhuon embarquaient les filets dans la chaloupe, amarrée au quai, près de la cale qu’ensanglantaient des débris de poissons fraîchement éventrés. Tout était en mouvement dans le petit port de Saint-Guénolé. Au bruit de leurs lourds sabots, à tiges de toile bise, les marins dévalaient, par groupes, le dos courbé sous le poids de leurs filets ; d’autres, bras dessus bras dessous, sortaient des débits de boisson, chancelant et chantant ; les mousses nettoyaient les bateaux prêts à prendre la mer ; et l’on voyait déjà quelques embarcations filer doucement sur l’eau que battaient les grands avirons, pareils à des vols de goëlands lents et bas. On était au plus fort de la pêche du maquereau.