Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/124

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sive âpreté dans le partage des pêches, laquelle, souvent et chaque fois qu’il en trouvait l’occasion, tournait à de vulgaires carottages.

Sans qu’il parût ou voulût s’en douter, une haine sourde grondait autour de Jean Donnard, soigneusement attisée par ce Pierre Kerhuon qui l’accusait de s’entendre avec les mareyeurs pour le voler et l’exploiter, et pour grossir injustement sa part, à lui. Et Kerhuon, un gros homme à face de bête méchante et lâche, eût fait déjà un mauvais parti à son patron, s’il n’avait été retenu par la crainte de cette force et l’implacabilité de ce courage.

La chaloupe avait marché bon train ; elle se trouvait alors dans les parages de l’île de Sein. Mais le vent tout à coup était tombé. Le soir venait. Sous les derniers rayons du soleil qui traînaient à sa surface immobile comme un voile de gaze rose, la mer silencieuse et calme semblait s’assoupir. Dans le lointain, un steamer, à peine