Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parce que tu nous embêtes, parce que tu nous voles ; parce que, tes maisons, tu les bâtis, tes beaux habits, tu les achètes avec notre argent ; parce que nous sommes las de trimer pour toi, et qu’il faut que tu nous paies d’un coup ce que tu nous as pris, parce que, comme Pengadec, tu ne reviendras pas, et que tu vas mourir, Jean Donnard !

À ces derniers mots, Jean Donnard, que la fureur étouffait, se précipita sur Kerhuon et, d’un coup de poing, l’envoya rouler au fond de la chaloupe. Mais aussitôt seize bras le saisirent, l’enlacèrent, l’étranglèrent, lui déchirant la poitrine, lui fracassant la tête contre les mâts.

— À l’eau ! à l’eau ! hurlait Kerhuon.

Le malheureux résistait, se cramponnait aux filets, aux avirons, à tout ce que sa main rencontrait.

— À l’eau ! répétait Kerhuon.

Alors, perdant ses forces, tout meurtri et tout sanguinolent, il se sentit enlever par-