Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/180

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faire comme tant d’autres, ne pas les envoyer à l’école, les « durcir » tout de suite à l’ouvrage. Ils n’en seraient pas morts, bien sûr ; et cela eût peut-être mieux valu, car peut-être son garçon et sa fille n’eussent point aussi mal tourné.

Dugué rêvait de faire de son garçon, « du p’tit gars Isidore », un cultivateur, non pas un ouvrier comme lui, mais un fermier pour de bon. D’ailleurs, il ne pouvait comprendre qu’on pût choisir un autre métier que « la tè » quand on était né « d’pè en fi dans la tè ». C’était un testament d’honneur, un héritage de noblesse qu’il eût été criminel de répudier. Il ne manquait pas de « feignants » pour les autres métiers. Aussi son chagrin fut-il profond et grand son désappointement, quand Isidore exprima sa volonté bien arrêtée d’entrer « en condition », d’être domestique, comme mossieu Baptiste, le valet de pied du château, un homme superbe qui éblouissait tout le monde avec ses beaux habits galonnés, et