Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/189

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réaliser. Tous les deux, le garçon et la fille déshonoraient son nom, l’un « en récurant les pots de chambre des nobles », l’autre en s’amourachant d’un méchant gars, venu on ne sait d’où, passant son temps, dans les fabriques, à faire on ne sait quoi. Un joli monsieur qu’il aurait pour gendre ! Ivrogne, débauché, prodigue, républicain, cela va sans dire, comme sont les ouvriers des usines. Ah ! cela lui promettait de l’agrément ! D’ailleurs, n’avait-il pas des moustaches, ce François Béhu ? Et, les moustaches, tout était là ! De même que les paysans de sa race, adorateurs des habitudes anciennes, gardiens sévères des traditions, Dugué haïssait les gens, cultivateurs et ouvriers, qui portaient moustache. La moustache, pour lui, représentait la révolte, la paresse, le partage social, toutes les aspirations sacrilèges qui soufflent des grandes villes sur les campagnes, tout un ordre de choses effroyables et nouvelles, auxquelles il ne pouvait penser sans que