Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/203

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l’envahissait. Bien qu’il se sentît très souffrant, il ne voulut rien changer à son régime, qui se composait d’une poire le matin, de la soupe à midi et de la soupe encore à six heures. En vain sa femme essaya de le soigner, de lui faire prendre une nourriture meilleure, il ne voulut entendre parler de rien. Au mot de « médecin », il entra dans une colère terrible. Cependant le mal empirait, les douleurs de ventre devenaient plus violentes, intolérables, sa respiration oppressée faisait un bruit de vieux soufflet percé, sa tête lui était si pesante sur les épaules qu’il ne pouvait plus la porter droite, et qu’il lui semblait que ce poids entraînait tout son corps dans un vertige. Il s’alita.



Dans le lit, très haut, drapé d’indienne sombre, le père Dugué, couché sur le dos, la bouche grand’ouverte, ne remuait pas. À peine si la pâleur de la mort prochaine