Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/218

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retentissante… Oui, monsieur, j’ai cette audace… Tragédies historiques, drames sociaux… la patrie, l’humanité, l’indépendance, la revanche de l’individu contre l’étouffement de la société… voilà ce que j’écris !… tout cela, en vers, en vers libres.

— Et il y a longtemps, demandai-je, que vous écrivez des tragédies… en vers ?

— Longtemps ?… Depuis huit ans… Depuis que je suis marié… Alors, j’étais à Caen, employé à la direction… employé !… Savez-vous ce que c’est que d’être employé !… J’allais souvent dans un petit café-concert… J’y tombai amoureux d’une chanteuse comique… Elle était sage, cette chanteuse comique, — du moins, je le crois — et je l’épousai… Voyez ce que c’est !… si j’avais été riche, comte, ou seulement coiffeur, cabotin, journaliste, je ne l’aurais pas épousée ; je l’aurais payée, ou elle m’eût payé, et j’en eusse fait ma maîtresse… Mais simple employé, c’est autre chose… Le mariage ou