Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/234

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Marcelle des Radrays avait, à dix-huit ans, épousé le comte de Savoise, l’unique héritier du nom célèbre et de la belle terre de Savoise en Normandie. Très joli homme, mince et blond, de manières correctes et parfaitement élégantes, d’une ignorance aussi complète que possible et d’une insignifiance d’esprit qui lui faisait accepter, sans réflexion et sans révolte, les modes du jour, les idées reçues du moment et, en général, toutes les opinions bien portées, le comte de Savoise était ce qu’on appelle, dans les milieux spéciaux du chic, un gentleman accompli. Il montait en perfection ; aucun n’était plus habile que lui à mener un drag et à courre un cerf, et, dans les réunions sportives où il se prodiguait, lui, ses voitures et ses chevaux, on ne cessait d’admirer l’harmonie délicate de ses pantalons, la suavité de ses boutonnières fleuries. On le citait en toutes occasions. Il s’en montrait très fier, et sa femme l’adora.

En cet amour, Marcelle avait apporté,