Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/247

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passer devant un théâtre, un restaurant, un magasin, qu’il ne reçût aussitôt au cœur un coup affreux, car il se disait que Marcelle s’était certainement montrée là, avec l’autre, et il retrouvait leurs attitudes, leurs gestes, et il entendait ce qu’ils s’étaient murmuré.

Son égarement devint tel qu’il rechercha les occasions de savoir, prit des détours ingénieux pour interroger, et il connut d’effroyables jouissances à retrouver les baisers de l’autre, dans ses baisers, à elle, son odeur à elle, dans son odeur à lui. L’autre ! l’autre ! l’autre emplissait le bruit, le silence, la minute brève, l’heure lente, de son obsédante image. Pas un coin si lointain, si bien caché où l’autre ne fût toujours visible et toujours triomphant. Jacques rêvait de s’en aller dans des pays inconnus, ou bien de se retirer, au fond d’une campagne, perdue en un petit village de paysans, où il aurait bêché la terre.

Et c’est pourquoi, dans le grand salon de