Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/250

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sous l’insulte. Les yeux seulement s’humectèrent de larmes ; la voix se fit plus douce encore et plus câline. Elle prit les mains qui l’avaient frappée, et les baisa ; elle mit sa bouche sur la bouche qui lui avait vomi l’outrage, et la baisa. Puis elle dit :

— Écoute-moi, mon Jacques adoré. Si pour ton repos, si pour ton bonheur, si pour ta vie, il faut que je meure… Oh ! tue-moi, je t’appartiens. Morte, tu m’aimeras peut-être comme tu eusses voulu m’aimer, je serai devenue la femme que tu avais rêvée, la femme que vivante, je ne puis être… Le corps qui te renvoie sans cesse l’image, le corps pourrit et s’efface, mais l’âme reste, plus pure, plus belle… Qu’importe de mourir, si la mort est pour toi la vie qui s’ouvre, si la mort est pour nous l’amour qui commence !

Jacques se précipita dans les bras de sa femme. Et longtemps, longtemps ils sanglotèrent…

Le lendemain matin, le domestique, en