Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/302

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arbres avec lesquels on taillera les affûts de mes batteries, et les brancards de mes ambulances ? Pourquoi donne-t-on de l’or aux ministres, des galons aux généraux ? Pour qui arrache-t-on au foyer les bras jeunes et les cœurs vigoureux ? Vois ces vieux savants, penchés sur des chiffres, sur des plans, sur des poudres blanches, pourquoi distillent-ils la mort ? On me dresse plus de temples qu’à Dieu ; compte donc les forts, les bastions, les casernes, les arsenaux, tous ces chantiers effroyables où l’on façonne le meurtre, comme des bibelots, où l’on chantourne la destruction comme des meubles de prix. C’est vers moi que tendent tous les efforts humains ; pour moi que s’épuise la moelle de toutes les patries. L’industrie, la science, l’art, la poésie se font mes ardents complices pour me rendre plus sanguinaire et plus monstrueuse. Mes trophées ornent les cathédrales, et tous les peuples à genoux devant mon image, ont entonné des Te Deum et des Marseillaise. Tiens, aujour-