Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nait invariablement par des violences de sa part — n’éclatât aussitôt. Le peu de vaisselle que nous possédions passa dans ces bagarres. Un jour, elle me jeta au nez un plat d’épinards liquides, et j’ai encore, là, près de l’œil, la marque d’une carafe qu’elle me brisa sur la tête. Avec cela, ne s’occupant jamais de mes affaires, que je trouvais dans le plus grand désordre, ne soignant ni mon linge, qui n’était pas souvent blanchi, ni mes effets, qui gardaient, quinze jours, des accrocs et des taches. Quand je rentrais du bureau, bien des fois, elle ne m’avait pas attendu pour dîner, et je devais me contenter, la plupart du temps, d’un morceau de fromage desséché ou des pommes de terre de la veille.

Ce qui causait ces rages, ces emportements, ce qui, chaque jour, amenait entre nous ces scènes et ces disputes, toujours pareilles, c’était, vous l’avez deviné, le peu d’argent que je gagnais. Ma femme aurait désiré être riche, et voilà que j’étais pau-