Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/388

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bras maigres barbouillés d’une couche de blanc liquide ; elle est là, qui minaude derrière son éventail japonais, fait des grâces et des révérences… Je m’approche… Mais en apercevant mes vêtements et mes mains couverts de sang, elle pousse un cri et toute tremblante d’effroi, s’affaisse, sans mouvement, sur le canapé.

Moi j’arrache le journal qui enveloppe la tête coupée, et la saisissant par les cheveux, je la secoue à petits coups, au-dessus de la robe de ma femme, sur laquelle les billets de banque tombent mêlés à des caillots de sang.

Alors je la regarde. Elle est comme pétrifiée, avec ses yeux fixes tout grands ouverts dans leur cercle rouge. Pourtant son nez remue et son menton a complètement disparu dans la bouche. Je m’écrie :

— Ah ! ah ! ah ! que je t’aime ainsi ! Et que tu es laide !

Et j’éclatai de rire…