Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/396

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parut se calmer : les accusations maintenant manquaient de force, les insinuations de perfidie, les allusions de portée. Peut-être se blasait-on, après tout. Mais non, la verve était tarie des mots orduriers et poissards. Et c’est avec dépit que l’on s’attendait à voir tomber la grande colère qui avait été la distraction des désœuvrés, le sport des flâneurs de la ville.

Tout à coup, on apprit que Pescaire avait envoyé des témoins à Cassaire !

Un duel ! un duel aurait lieu ! Était-ce possible ? Un duel ! ce n’était plus l’encre qui coulerait, ce serait le sang ! L’émotion fut vive. Dès que la nouvelle du duel commença de circuler, chacun sortit de chez soi, alla aux renseignements. Sur le pas des portes, dans la rue, des groupes se formèrent, animés, inquiets, frémissants ; la promenade habituellement déserte à cette heure se couvrit d’une foule agitée ; en un instant, les cafés furent envahis. On s’abordait, anxieux.