Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/404

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souvenez, le territoire d’Andorre. La route, qui traverse en pleine montagne les jolis villages de Tarascon, d’Ussat, des Cabanes, la petite ville d’Ax, où les sources d’eau chaude bouillonnent parmi les rocs sombres et les noirs sapins, est longue, pénible, parfois dangereuse, surtout à la fin de l’automne, alors que les neiges commencent de tomber. Longeant les vallées étroites, elle ne tarde pas à grimper au flanc âpre des monts, court au bord des précipices, au fond desquels grondent les torrents. Les pics, d’un violet sourd, s’étagent dans le lointain, ceints d’écharpes de vapeur rose, coiffés d’immenses aigrettes de nuées. Ici ce sont des parties boisées de hêtres et de sapins aux verdures robustes ; là des terres pelées, souffrantes où, de place en place, dans le schiste morne, poussent la bruyère chétive et le maigre rhododendron.

« Nos duellistes » ne songeaient point à admirer la nature, si impressionnante, pourtant, de ce coin des Pyrénées. Leur âme, dé-