Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/417

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et nos armes, à nous, ce sont la houlette et la flûte. Je vous prie de vous retirer. Et je vous avertis que, si vous n’obéissez pas à notre loi, notre loi saura vous punir, hommes sauvages.

Puis il parla longtemps de l’hospitalité, de l’humanité et des bergers chanteurs.

Pescaire et Cassaire l’écoutaient, ravis. Jamais parole humaine ne leur avait paru plus belle, plus douce, plus pénétrante ; c’était comme une musique céleste, un chant de vierges amoureuses, un concert d’anges éperdus. Il leur semblait que les pierres elles-mêmes en étaient tout attendries, que les montagnes se pâmaient, que le vent n’avait plus que des soupirs d’extase, et que, de l’Ariège, apaisée, montait le chuchotement exquis d’une prière.

Néanmoins, pour la forme, ils voulurent protester.

— Retirez-vous, carnassiers, répéta l’Andorran, qui à ce moment leur apparut si grand, qu’il domina les sommets les plus