Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/46

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sans seulement mouver eune patte, et noir, noir quasiment comme du charbon. « Bon sens, qu’ j’ dis, l’ père Nicolas qu’est mô ! » Et il était mô, monsieur Joseph, tout à fait mô… Mais vous n’ buvez point… Ne v’ gênez pas… J’en ai cor, allez… Et pis j’ faisons point le beurre en c’ moment…

— C’est un grand malheur, dis-je.

— Qué qu’ vous v’lez ! répondit la paysanne. C’est l’ bon Dieu qui l’ veut, ben sûr.

— Vous n’avez donc personne pour le veiller ? interrompit mon compagnon. Et vos enfants ?

— Oh ! y a pas de danger qu’y s’en aille, le pauv’ bounhomme. Et pis les gars sont aux champs, à rentrer les foins. Faut pas qu’ la besogne chôme pour ça… Ça n’ l’ f’rait point r’veni, dites, pis qu’il est mô !

Nous avions fini de boire notre lait. Après quelques remerciements, nous quittâmes la mère Nicolas, troublés, ne sachant pas s’il fallait admirer ou maudire cette insensibilité du paysan, dans la mort, la mort