Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/52

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qu’il n’en manque pas ». Enfin elle se décida à appeler à l’aide son mari qui, dans le hangar, attelait une grande charrette, en faisant : « Hue, dia, drrrrr ! » Le fermier quitta ses chevaux, vint lentement vers nous, en se grattant la nuque d’un air profond. Il dit :

— Pardié ! non, il n’en manque pas !

Et il s’abîma en des recherches mentales, évidemment compliquées et très pénibles, s’il fallait en juger par les diverses grimaces qui se succédèrent sur son visage, rouge et grumeleux comme un éclat de brique.

Nous nous taisions. La cour, incendiée de soleil, brûlait ; deux pigeons, se poursuivant, volaient d’un toit à l’autre ; sous le hangar, les chevaux, harcelés par les mouches et piqués par les taons, s’ébrouaient et, allongé sur un lit d’ordures humides, un cochon tout rose, assoupi, grognait en rêvant.

Le paysan avait croisé les bras, et ses mains étaient à plat sous ses aisselles. Sans bouger, il articula :