Page:Mirbeau - Lettres de ma chaumière.djvu/72

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routes y aboutissaient. Laquelle prendre ? Le pauvre chien parut d’abord très embarrassé. Il dressa l’oreille, comme pour saisir dans le vent un bruit de pas connu et familier, flaira la terre comme pour y découvrir l’odeur encore chaude d’une piste ; puis poussant deux petits soupirs, prestement il partit. Mais bientôt il s’arrêta, inquiet et tout frissonnant. Il marchait maintenant de biais, avec prudence, le nez au ras du sol. Il s’engageait quelques mètres seulement dans les chemins de traverse qui débouchent sur la grande route, grimpait aux talus, sentait les ivrognes étendus le long des fossés, tournait, virait, revenait sur ses pas, sondait le moindre bouquet d’arbres, la moindre touffe d’ajoncs.

La nuit se faisait ; à droite, à gauche de la route, les champs se noyaient d’ombre violette. Comme la lune se levait, montait dans le ciel, rose et triste, Turc s’assit sur son derrière, et le col étiré, la tête droite vers le ciel, longtemps, longtemps, il cria au perdu :