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Page:Mirbeau - Nos domestiques, paru dans l’Écho de Paris, 21 juillet 1891.djvu/9

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Madame

Je donne un litre de cidre…

La femme de chambre

Je ne peux pas boire de cidre, madame… le médecin me l’a défendu.

Madame

Ah ! le médecin vous l’a défendu !… Eh bien… je vous donnerai un litre de cidre… Si vous voulez du vin, vous l’achèterez… Ça vous regarde !… Que voulez-vous gagner ?

La femme de chambre

Je ne voudrais pas gagner moins de quarante francs !

Madame (s’exclamant)

Quarante francs !… Mais vous êtes folle ! Quarante francs !… Mais c’est inouï ! Autrefois, l’on donnait quinze francs, et l’on était bien mieux servi !… Quarante francs !… Et vous ne savez pas même engraisser les volailles ; vous ne savez rien… Moi, je donne trente francs, et je trouve que c’est bien cher… que c’est bien trop cher !… Vous n’avez rien à dépenser chez moi… Je ne suis pas exigeante pour la toilette… Et vous êtes nourrie. Dieu sait comme vous êtes nourrie, ici !… C’est moi-même qui fais les parts…

La femme de chambre

J’avais quarante francs, dans toutes les places où j’ai été.