Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/128

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qui bouillonnaient et ne parvenaient pas à sortir ; il attendait, quoi ?… Un regard qui se posât sur lui, encourageant et bon ? Une main qui le guidât à travers les voies encombrées de son intelligence ?… Il ne savait pas… Malgré la lettre de son père, il continua de rôder auprès des salles de musique, espérant vaguement surprendre le secret de cette science admirable et défendue, qui lui semblait la grande porte de lumière ouverte sur la nature et sur le mystère, c’est-à-dire sur la beauté et sur l’amour.

— Chante-moi ton air si joli ! demandait Sébastien à Bolorec.

Sans lever les yeux de dessus le morceau de bois qu’il fouillait à la pointe de son couteau, Bolorec chantait, s’interrompant parfois pour expliquer :

— Tu comprends… C’est sur la lande, là-bas… Elles se tiennent toutes par la main… Et elles s’en vont, et elles reviennent… Leurs coiffes, qui remuent, sont blanches… Elles ont du velours à leurs jupons rouges… Et Laumic, assis sur un tonneau, joue du biniou… C’est beau.

Mais le Père Dumont, souvent, les chassait.

— Que faites-vous là, encore, tous les deux ?… réprimandait-il d’une voix sévère… Ce n’est pas convenable que vous soyez toujours ensemble… Allez dans la cour.

Alors ils s’en allaient, à regret, longeaient les barrières, s’arrêtaient à la fontaine, dont ils s’amusaient à tourner le robinet, pendant quelques minutes ; et ils revenaient ensuite aux arcades, sitôt que le Père s’en éloignait, pour dire son bréviaire sous les arbres, ou faire une partie de paume avec les élèves privilégiés.