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Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/132

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— La musique !… C’est si beau… C’est ce qu’il y a de plus beau… C’est…

Il cherchait des mots pour rendre ce qu’il avait ressenti, et ne les trouvant pas, il continuait de balbutier, montrant la place de son cœur.

— C’est là !… Ça m’étouffe quelquefois de ne pas savoir… parce que… Oh !… je travaillerais bien… parce que… quand j’entends de la musique, alors… je comprends mieux, j’aime mieux…

— Eh bien, je vous l’apprendrai, la musique, moi, promit le Père… Je vous apprendrai le cornet à piston… c’est un bel instrument… Êtes-vous content, là ?

— Je voudrais chanter à l’église.

— Eh bien, vous chanterez à l’église… et ailleurs… J’en fais mon affaire… Et, maintenant, mon petit ami, ne pensons plus à tout cela… Il faut, aujourd’hui, rire, jouer, gambader, faire le fou… Allons !… houp !

Comme Sébastien restait là sans bouger, le regardant de ses prunelles fixes, où brillait une ivresse grave :

— Allons !… houp ! répéta-t-il.

Et l’enfant, de sa voix suppliante, prononça :

— Mon père… ne vous fâchez pas… ne me grondez pas… Je voudrais vous embrasser… parce que… enfin parce que, jamais, personne ne m’a parlé comme vous… parce que…

Mais, le Père, moitié souriant, moitié triste, lui donna sur la joue une tape amicale, et il le quitta, se disant, tout remué par une grande pitié :

— Pauvre petit diable !… trop de tendresse !… trop d’intelligence !… trop de tout !… Il sera bien malheureux, un jour.