Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/15

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raisonnements. Et ce furent les paroles du curé, qui toujours résonnaient à ses oreilles : « Et les marquis !… Y en a ! Y en a ! » bien plus que la bonne situation de ses affaires, qui achevèrent de le décider. En écrivant au Père recteur du collège de Vannes, il lui sembla qu’il entrait de plain-pied dans l’armorial de France.

Mais ce n’était point aussi facile qu’il l’avait tout d’abord supposé, et son amour-propre fut soumis à de dures épreuves. Les Révérends Pères, en pleine vogue, obligés, chaque vacance, d’agrandir leur établissement, se montraient sévères dans le choix des élèves, et quelque peu dégoûtés. En principe, ils n’admettaient à l’internat que les fils de nobles et de ceux-là dont la position sociale put faire honneur à leur palmarès. Pour le reste, pour le menu fretin des bourgeoisies obscures et mal rentées, ils demandaient à réfléchir ; après quoi, ayant réfléchi, ils ne demandaient, le plus souvent, qu’à s’abstenir, sauf, bien entendu, lorsqu’on leur présentait un petit prodige, qu’ils s’attribuaient généreusement, en vue des prospectus à venir. M. Joseph-Hippolyte-Elphège Roch, — bien qu’il passât pour riche, à Pervenchères — n’était point dans le cas des privilégiés de la fortune, des hors concours de la naissance ; quoique marguillier, il était notoirement classé « parmi le reste » ; et Sébastien n’annonçait, en rien, un prodige. Une première année, les Jésuites opposèrent aux démarches réitérées de M. Roch des objections spécieuses et polies… l’encombrement… l’extrême jeunesse de l’élève… et toute la série dilatoire des : « Ne craignait-il pas ? »… Ce fut une cruelle déception