Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

V


Sébastien s’était promis de ne plus s’engluer aux apparentes et trompeuses bienveillances des maîtres. Un instinct de méfiance personnelle, s’ajoutant à cette règle générale, l’avait d’abord éloigné du Père de Kern, malgré les bontés notoires de celui-ci et, malgré l’excessive liberté où il le laissait, désormais. Comme autrefois, il n’avait plus besoin de se garantir avec ses livres, de s’emmurer derrière ses dictionnaires, pour se livrer à sa passion grandissante du dessin et de la poésie. Cette passion, qui lui avait valu tant de punitions de toute sorte, le Père de Kern la tolérait aujourd’hui et visiblement l’encourageait. Et cet encouragement qui était ce qu’il avait le plus désiré, Sébastien se montrait heureux d’en profiter, mais il n’en jouissait pas dans toute la sécurité, dans toute l’expansion naïve de sa conscience, ainsi qu’il l’eût fait avec le Père de Marel. Il éprouvait, au contraire, vis-à-vis du Père de Kern, une inquiétude permanente et irraisonnée, très vague ; vis-à-vis de soi, quelque chose d’aigu et de persé-