Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/177

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s’intéresser passionnément à des détails de l’histoire qui l’avaient ennuyé, à la classe, à cause de leur rebutante sécheresse et qui, dans les leçons du Père, revêtaient un attrait de conte, une beauté parée de poésie. Tout revivait, tout s’animait, sous sa parole, qui avait une puissance de suggestion incomparable. Son indulgence était extrême, sa pitié amollissante et universelle. Ses enthousiasmes précis, mesurés, octroyaient toujours une large place au rêve adventice. Il était dangereux plus encore par ce qu’il taisait et laissait deviner, que par ce qu’il disait réellement. Cependant les mots « amour, péché » revenaient sans cesse sur ses lèvres, avec des inflexions lentes, comme s’il eût aimé à s’y attarder. Le mot « péché » surtout, à la façon dont il le prononçait, et l’entourait, semblait une fleur étrange qui attire par le danger même de son parfum ; et, bien qu’il en montrât l’horreur, en des dégoûts captieux, l’horreur en restait désirable et charmante.

— Vous êtes, maintenant, un petit homme, disait-il à Sébastien. Il faut vous habituer à regarder en face le péché. On l’évite mieux, en le connaissant davantage.

Il descendait à des confidences personnelles, parlait de sa vie qui, longtemps, avait été livrée au péché. Pour quelques plaisirs maudits, que de remords et que d’expiations ! Y aurait-il jamais assez de prières, pour effacer la trace des fanges anciennes ?

— Si je vous confie ces choses abominables, mon cher enfant, murmurait-il en serrant les mains de Sébastien d’une étreinte tremblée, c’est que je voudrais tant vous préserver du péché ! Ah ! si