Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/20

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naturellement éloquent et dédaigneux des familiarités de la conversation, ne s’exprimait jamais que par solennelles harangues.

— Écoute-moi, ordonna-t-il… et retiens bien ce que je vais te dire, car nous touchons à une heure grave de ta vie… une heure décisive… ce que j’appelle… Écoute-moi bien…

Il était plus majestueux qu’à l’ordinaire, sur ce fond sombre de magasin, rempli de ferrailles, où des marmites bombaient leurs ventres noirs, où des casseroles de cuivre luisaient, l’auréolant parfois de leur ronde clarté ménagère… Et l’ampleur de ses gestes interrompant le triage des pitons, faisait bouffer sa chemise, dans l’intervalle du gilet au pantalon.

— Je ne t’ai pas mis au courant des négociations entamées entre les Révérends Pères Jésuites de Vannes et moi, débuta-t-il… Il y a des choses auxquelles un enfant de ton âge ne doit pas être initié… Ces négociations…

Il appuyait sur ce mot qui l’ennoblissait à ses propres yeux, qui lui attribuait l’importance d’un diplomate traitant une question de paix ou de guerre… Et sa voix faisait un bruit de gargarisme qu’il prenait plaisir à prolonger en le modulant.

— Ces négociations… difficiles… parfois douloureuses… sont heureusement terminées. Dès à présent tu peux te considérer comme appartenant au collège Saint-François-Xavier… Ce collège que j’ai choisi entre tous est situé au chef-lieu du Morbihan… Peut-être ne sais-tu pas où se trouve le Morbihan ? Il se trouve en Bretagne, le pays par excellence !… Grâce à moi, tu vas être élevé avec la fleur de la jeunesse française… Il est même pro-