faute, il s’y sentait de puissantes racines, l’attachement des bêtes pour le coin de terre où elles ont souffert. Il ne comptait que les souffrances ; mais n’avait-il pas goûté des joies aussi, des joies précieuses qu’il ne pouvait pas ne point regretter ? Retrouverait-il la mer, les retours de Pen-Boc’h, les musiques de la chapelle, Bolorec, et même, quoiqu’il ne voulût point se l’avouer, les soirées, délicieuses, à la fenêtre du dortoir, quand le Père de Kern lui récitait des vers et lui parlait des œuvres immortelles.
Il rêva ainsi jusqu’au soir, tantôt résigné, tantôt révolté ; un moment bien décidé à exiger du Père Recteur des explications ; et, la minute d’après, se disant : « À quoi bon ! Il vaut mieux que je parte. Ce sera huit mauvais jours à passer. Et je serai peut-être très heureux, loin d’ici. » Lorsque le frère vint lui apporter son repas, il le trouva sur son lit, étendu, les yeux perdus dans le vague d’une songerie.
— Comment ! monsieur Sébastien Roch !… s’exclama-t-il… Sur votre lit ?… Et moi qui comptais vous surprendre en prières !… Ah !… ah !… ah !… Ce n’est pas M. Juste Durand qui se fût étendu sur son lit, le cher enfant ! Et je parie que vous n’avez pas de chapelet ?
— Non, mon frère, je n’en ai pas.
— Pas de chapelet !… pas de chapelet !… Et moi qui vous apporte une poire, monsieur Sébastien Roch, une poire cueillie à l’arbre des Révérends Pères ?… Pas de chapelet !… Ô grand saint Labre !… Et comment voulez-vous avoir le cœur tranquille ?… Je vais vous prêter le mien… J’en ai douze !