Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/337

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— Oui, je les vois.

— Et que font-ils ?… Raconte-moi, raconte-moi, tout.

Et tandis que Marguerite parlait, il l’écoutait haletant, et lui-même faisait appel à tous ses souvenirs de luxure, de voluptés déformées, de rêves pervertis. Il les appelait de très loin, des ombres anciennes, du fond de cette chambre de collège, où le Jésuite l’avait pris, du fond de ce dortoir où s’était continuée et achevée, dans le silence des nuits, dans la clarté tremblante des lampes, l’œuvre de démoralisation qui le mettait, aujourd’hui, sur ce banc, entre un abîme de sang et un abîme de boue.

— Et toi ?… Qu’est-ce que ça te fait de les voir ?

— Moi ?… Ça me donne envie.

Il accumulait l’ordure sur elle et sur lui, la forçant à se souiller de ses propres paroles. Et le désir violent de cette chair qu’il avait condamnée, montait en lui, plein de brûlures et de morsures, un désir où il y avait du meurtre encore, mais du meurtre qui ne voulait plus la mort, et qui, pourtant, se ruait à la possession, comme le couteau de l’assassin se rue à la gorge de la victime. Il ne cessait de l’interroger, exigeait des images plus nettes, des évocations plus précises d’eux qui s’embrassaient et d’elle qui les regardait. Marguerite disait les habits jetés, les nudités, les enlacements sur le lit ; et lui l’attirait, l’écrasait contre sa poitrine. Sa main parcourait tout son corps, scandant les mots abominables, dévêtant des coins de chair, où elle s’attardait.

— Est-ce cela qu’ils font ?