était seul… Des ombres couraient, s’enfonçaient, se perdaient dans la fumée… Il se pencha sur le corps de Sébastien, le palpa, s’agenouillant, livide, dans le sang, d’où s’élevait une vapeur courte et pourprée…
— Sébastien ! Sébastien !
Mais Sébastien ne l’entendait plus. Il était mort.
Bolorec enlaça le cadavre, essaya de le soulever. Il était faible et le cadavre était lourd. Des ombres passaient sans cesse… Bolorec cria :
— Aidez-moi ! aidez-moi !
Aucune ne s’arrêta.
Elles passaient, disparaissaient comme dans de la fièvre.
— Aidez-moi !… aidez-moi !
Il se débarrassa de son fusil, de son sac qui le gênaient, puis faisant un effort violent, il parvint à soulever Sébastien, à le tenir dans ses bras ; et il l’emporta, à petits pas, le visage ruisselant de sueur, la poitrine sifflante, les reins ployant sous le poids du mort, butant du pied contre la terre. Il put gagner ainsi la batterie, et déposa Sébastien sur l’affût brisé d’un canon. La batterie était abandonnée. Des débris de roues, de prolonges émiettées, de fers tordus, des cadavres d’hommes et de chevaux, couvraient le sol haché et sanglant. Tout près de lui, le capitaine gisait à côté de son cheval blanc, éventré.
— Ça n’est pas juste, murmura Bolorec d’une voix qui haletait.
Et se penchant sur le cadavre, il dit encore, comme si Sébastien pouvait l’entendre :
— Ça n’est pas juste… Mais tu verras… tu verras…