Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/51

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II


L’encourageant accueil, les affectueuses paroles du jeune prêtre ne rendirent point le calme à Sébastien. Vacillant, parmi les jambes hostiles et les bouillottes heurtées, il avait eu beaucoup de peine à s’installer, huitième, dans un coin. Et il restait le corps très raide, les paumes collées aux genoux, n’osant s’allonger sur les coussins, ni faire un mouvement, ni lever autour de lui ses yeux encore humides de larmes. Dépaysé dans le luxe d’un compartiment de première classe, comprenant qu’on l’observait, qu’on le dévisageait, il était horriblement gêné, et cette gêne lui était une souffrance lancinante qui absorbait l’autre, la souffrance de la séparation. Pourtant, au bout de quelques minutes, il s’aventura jusqu’à chercher, d’un glissement d’œil oblique et lent, à mieux entrevoir le Père, qui, sur la banquette d’en face, à droite, était assis, le menton levé, la tête renversée contre le dossier. Il lui parut très maigre, avec un long cou d’oiseau, des pommettes saillantes, une bouche mince, sans sourires, et des yeux redevenus sévères, sans caresses. Mais la