Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/61

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sans entendre, sans comprendre pourquoi il était là, et ce qu’il faisait.

Quatre heures après, il se trouva couché dans un petit lit de fer, entre des cloisons de bois, fermées par un rideau blanc. Les cloisons montaient à mi-hauteur du plafond, laissant, au-dessus d’elles, un vide où des clartés tremblantes de lampe s’épandaient. Près du lit, une étroite table, garnie d’une cuvette et d’un pot à eau ; contre la cloison, à portée de la main, un bénitier, surmonté d’un crucifix ; en face, contre l’autre cloison, ses habits qui pendaient, accrochés, pareils à des peaux de bêtes écorchées.

Il ne se rappelait pas exactement ce qui s’était passé, depuis Malestroit. Il avait seulement la sensation de choses tronquées, fugitives, un peu effarantes, passant de l’éclat vif des lumières au néant des plus intenses ténèbres… Il se souvenait d’avoir longtemps roulé, dans un bruit de grelots, de vitres ébranlées, roulé en une voiture où des visages cahotés, endormis, s’éclairaient très pâles, à la lueur terne d’un lampion… Et ce roulis, ces cahots, ces chocs des épaules, il croyait les ressentir encore. Toujours tintaient à ses oreilles, mais plus lointains, les grelots ; toujours vibraient, mais plus assourdies, les vitres. Et de fumantes croupes de chevaux, avec des ossatures pointues, fantastiquement maigres, se levaient, bondissaient, dans un halo de lumineuse vapeur… Puis une ville confuse, à peine entrevue dans la nuit… puis une porte, devant laquelle l’on s’était arrêté, une façade haute, sommée d’une croix dont les bras luisaient… puis de longs couloirs blancs, des escaliers interminables… La marche d’une