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Page:Mirbeau - Sébastien Roch, 1890.djvu/64

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sement, à pleins poumons, l’air frais du matin. Et il resta là, sans bouger, regardant les élèves qui se dispersaient, par couples, par groupes, regardant les autres cours, qui s’animaient, le collège, et s’étonnant de ne pas voir le théâtre, le bateau, dont ils avaient tant parlé, dans le wagon, ni la mer, la mer qu’il désirait tant voir. Il bruinait ; un vent aigre soufflait de l’Ouest, poussant dans le ciel de gros nuages floconneux ; et cette fraîcheur humide qu’il apportait lui faisait du bien, détendait ses muscles, calmait ses nerfs.

Tout à coup, un jeune garçon se planta, droit, devant lui.

— Je me nomme Guy de Kerdaniel, dit-il… Et toi, comment t’appelles-tu ?

— Sébastien Roch.

— Tu dis ?

— Sébastien Roch !

— Ah !

Guy de Kerdaniel cligna de l’œil, réfléchit un instant, et, les poings sur les hanches, le torse cambré, il interrogea, très impérieux :

— Es-tu noble ?

À cette question inattendue, Sébastien rougit d’instinct, comme s’il eût été coupable d’un gros péché. Il ne savait pas exactement ce que c’était d’être noble ; mais, devant l’attitude dominatrice de son petit interlocuteur, il soupçonna que de ne l’être pas cela constituait une faute grave, une malpropreté, un déshonneur.

— Non, répondit-il, d’un air humble, presque suppliant.

Il se tâta la poitrine, les flancs, les genoux, pour bien s’assurer qu’une bosse ou quelque