Page:Mirbeau - Sur la berge, paru dans l’Écho de Paris, 14 juin 1892.djvu/4

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Premier bourgeois

Sans doute… Mais pourquoi sommes-nous admirables ? Parce qu’on nous craint, retenez bien ceci… parce qu’on nous craint… Nous sommes forts… soyons calmes… Tout est là !… Et qu’ils viennent, les anarchistes !… (Gouailleusement menaçant)… Ce que nous les enverrons à Berlin !… (Deux vaches conduites par une petite fille, débouchent d’un sentier, sur la berge. Mouvement d’effroi du bourgeois)… Des vaches !… Je n’aime pas voir des vaches sur les berges !… C’est bien dangereux !… Ça n’est pas leur place !

Deuxième bourgeois

On ne sait jamais quelles lubies peuvent les prendre !… Il y a des vaches très mauvaises… des vaches qui poursuivent le monde… qui frappent les gens à coups de corne…

Premier bourgeois

Et qui mordent !… J’ai lu, dans mon journal, qu’il y a des vaches enragées… Oui, dans je ne sais plus quelle commune, une vache, qui avait la rage, a mordu un conseiller municipal ! (Avec respect). Un conseiller municipal !

Deuxième bourgeois (très pâle)

Eh bien !… merci !… Si les vaches s’en mêlent !… On ne devrait pas tolérer des choses pareilles… Il devrait y avoir des ordonnances de police très sévères… par ces chaleurs !

Premier bourgeois

Qu’on laisse les vaches, en liberté, dans des champs clos… très bien !… c’est