Page:Mirbeau - Théâtre I.djvu/18

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Car, enfin, ce ne sont que des rhumatismes… Mais tout le monde en a, aujourd’hui, des rhumatismes… Mais moi, tout le premier, j’en ai des rhumatismes… Est-ce que je me plains ?… Est-ce que je crie ?… Est-ce que je mets la maison sens dessus dessous ?… Cette nuit, encore, je me suis réveillé avec des douleurs aux reins… Eh bien, voilà tout… Je tâche de les dompter par un régime rationnel, par un exercice approprié… Je fais ce qu’il faut… Mais je ne tyrannise pas tout le monde avec ça….

La Femme

Des rhumatismes !… des rhumatismes !… Tu appelles des rhumatismes l’état affreux dans lequel je suis depuis dix ans… Des rhumatismes… cette agonie lente… cet abominable supplice… cette torture continue qui me tenaille la chair et me broie les membres… Ah ! comment oses-tu dire une chose pareille ?… Et comment as-tu le cœur, le triste et horrible courage de la penser, seulement ?… Enfin… qu’est-ce que tu veux ?… Fume… fume… Ce sera plus tôt fini…

Le mari, il va, vient sur la terrasse, impatient.

Naturellement… Les grands mots… les grandes phrases… le drame — ah ! je l’attendais — au lieu de raisonner et de répondre aux arguments précis que je te donne… Et de tout ainsi… Tiens… c’est comme les lilas… les lis… les rosiers, qui étaient la joie de mon jardin… et que tu as fait arracher… Ils ne fumaient pourtant pas, eux… Non, vraiment, est-ce qu’ils fumaient ?…

La Femme

Mais puisque je ne puis en supporter l’odeur… Puisque la moindre odeur me donne des syncopes…