Page:Mirbeau - Théâtre I.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et vous l’êtes… pour un temps. Mais des maîtres plus ridicules encore que néfastes… Aussitôt parvenus à la fortune… vous n’avez plus qu’une idée : nous singer… C’est nos hôtels, nos terres, nos manies, nos vices qu’il vous faut… nos vieux noms glorieux… et jusqu’à nos vieux meubles. (Avec insolence.)… Ce qui ne s’achète pas, voyez-vous, c’est la façon de s’en servir…

ISIDORE

J’en serais désolé… J’ai la mienne.

LE MARQUIS

Vous n’êtes pas exigeant.

ISIDORE

Elle me suffit…

LE MARQUIS

Elle ne suffira pas toujours au peuple, que vous dépouillez.

ISIDORE

Ça !… vous n’en savez rien… ni moi non plus… Pour le moment, le peuple aime mieux ma façon que la vôtre…

LE MARQUIS

Si vous voulez conquérir le monde comme vous dites… ayez donc le courage d’inventer quelque chose de nouveau, au lieu de vous confiner dans la parodie d’autrefois… Créez des traditions à votre tour… Mais non… vous n’avez le souci d’aucune vertu, d’aucun art, d’aucune élégance… Vous n’avez le sentiment d’aucune grandeur…