Page:Mirbeau - Théâtre I.djvu/26

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l’invraisemblance ingénue ne me trompe pas… ni toi, non plus, j’imagine…

Le mari

Dame !… Après tout… Ils n’aiment pas la tristesse… ils sont jeunes…

La Femme

Et sans cœur… Mais je ne veux pas les juger… Du reste, comprends-moi bien… En ce moment… je ne parle pas pour moi, qui ne suis plus guère de ce monde… mais pour toi, si plein de vie et d’activité… qui as gardé toute la force… toutes les ardeurs de la jeunesse… à qui il faut du mouvement… de la distraction… des plaisirs violents… Je sens tout ce que notre situation a pour toi d’anormal et de pénible… (Le mari fait un geste de résignation vague.) Eh bien, pourquoi ne la recevrions-nous pas notre jolie voisine ? Elle apporterait ici un peu de gaîté, un peu de charme… un sourire… je ne sais pas, moi… un petit frou-frou… un petit bruit de chiffon… un petit parfum de vie… (Sur un mouvement du mari.) Je sais qu’elle ne demande pas mieux…

Le mari

Comment le sais-tu ?

La Femme, après hésitation.

Elle est venue tantôt déposer sa carte.

Le mari

Sa carte ?… Elle a déposé sa carte, chez nous ?… Alors, qu’est-ce que tu me chantes ?… Tu connais son nom… Est-ce Bardin… Fardin… Cardin ?…