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La Femme

De mes bonnes… j’ai bien dit… de mes bonnes… Est-ce clair ?… Car enfin, il paraît que les petites mendiantes mineures ne suffisent pas aux soixante-cinq ans de Monsieur… Il leur faut aussi mes bonnes…

Le mari

Oh ! mais… c’est agaçant, à la fin… c’est scandaleux… c’est abominable !… Et quoi encore ?…

(Il se remet à marcher avec fureur, passant et repassant devant sa femme.)

La Femme

Oui, mes bonnes… (S’interrompant.) Je t’en prie, ne marche pas comme ça… assieds-toi… tu me fais mal au cœur, à marcher de la sorte… (Le mari revient s’asseoir dans le fauteuil. Il donne des signes d’irritation violente… déplace les fauteuils, frappe sur la table, affecte de ne pas écouter.) Tu t’imagines que je ne vois rien… que je ne sais rien ?… Parbleu !… on n’a pas besoin de se gêner avec une malade… Eh bien, tu te trompes… Je vois tout… et je sais tout… D’abord… ça n’est pas digne… Mais la dignité et toi… passons… Ensuite, elles ne me soignent pas… Quand j’ai besoin d’elles, elles font tout de travers… ou elles ne sont jamais là… Elles se moquent de moi… carrément, effrontément… Et si tu savais comme elles me parlent, comme elles me bousculent ?… Rien que de l’insulte dans leurs regards… de la brutalité dans leurs gestes… C’est à mourir de honte !… Et c’est juste aussi… Je ne suis rien pour elles… qu’un trouble-fête… Elles peuvent me désobéir impunément… me maltraiter… me laisser crever… Elles se sentent protégées… Elles sont les véritables maîtresses dans la maison… Cette Rosalie, tout à l’heure, qui n’avait pas