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Page:Mirbeau - Théâtre I.djvu/83

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MADAME LECHAT, poussée par Germaine, qui est derrière sa mère.

Mais, mon ami, les pauvres ont le droit, partout, de ramasser le bois mort…

ISIDORE

Le droit… le droit… D’abord, les pauvres n’ont aucun droit… Et quand même ils l’auraient, ce droit absurde, je ne veux pas que, sous prétexte de ramasser du bois mort, les vagabonds s’introduisent chez moi… pour tendre des collets… couper mes jeunes baliveaux… dévaster mes taillis. Il faut que cela finisse… C’est inouï, en vérité !… Les pauvres… on dirait que tout, maintenant, leur appartient… Ce sont eux qui sont les vrais propriétaires… Démocrate ?… Personne ne l’est plus que moi… Mais je ne suis pas, non plus, un jobard… (À sa femme.)… Est-ce qu’on ne leur distribue pas du pain, ici, le samedi ?

MADAME LECHAT

Certainement…

ISIDORE, bousculant les menus ouvrages dans la corbeille.

Est-ce que tu ne passes pas ta vie… est-ce que tu ne te crèves pas les yeux à leur tricoter des gilets… des bonnets… des bas… est-ce que je sais ?

MADAME LECHAT

Ça… c’est vrai !…

ISIDORE

Eh bien, alors… S’ils veulent se chauffer… il y a du charbon de terre… (Il se lève et marche. À l’intendant)… Quand on la repincera, cette vieille sorcière… qu’on me