Page:Mirbeau - Théâtre II.djvu/277

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tant de scrupules. Je quittai le commerce pour la finance…

Le Volé

C’était, Monsieur, permettez-moi de vous le dire, tomber de Charybde en Scylla… ou, si vous aimez mieux… échanger votre commerce borgne… contre une finance aveugle…

Le Voleur

Sans doute… Aussi la finance me dégoûta tout de suite… Je ne pus me plier à lancer des affaires inexistantes, à émettre de faux papiers… de faux métaux… à organiser de fausses mines, de faux isthmes, et de faux charbonnages… Penser perpétuellement à canaliser l’argent des autres vers mes coffres, à m’enrichir de la ruine lente ou soudaine de mes clients, grâce à la vertu d’éblouissants prospectus, et à la légalité de combinaisons extorsives… me fut une opération inacceptable, à laquelle se refusa mon caractère, ennemi du mensonge… Je songeai alors au journalisme…

Le Volé

De mieux en mieux…

Le Voleur

Il ne me fallut pas un mois pour me convaincre que, à moins de se livrer à des chantages pénibles et compliqués…, le journalisme ne nourrit pas son homme… Et puis, vraiment, il est fort pénible, pour des personnes comme moi, qui possèdent une certaine culture, d’être les esclaves de sots ignorants ou grossiers, dont la plupart ne savent ni lire ni écrire, sinon leurs signatures, au bas de quittances ignominieuses… Oh ma foi, non ! Alors… je crus que la politique…