Page:Mirbeau - Théâtre III.djvu/132

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Arnaud Tripier

Oui, vous concevez… On approche de la fin de la session… et le gouvernement désire…

Courtin, interrompant.

Oh ! que je prenne la parole un peu plus tôt, un peu plus tard…

Arnaud Tripier, jouant l’étonnement.

Comment ? Vous allez prendre la parole ? Bah ! et moi qui… Oh ! ça, c’est admirable ! À la bonne heure, voilà qui est crâne !

Courtin, se forçant pour sourire.

Que voyez-vous là d’extraordinaire ?

Arnaud Tripier, très aimable.

Je vois… Je vois… Vous ne voulez pas nous priver d’un beau discours. Tant mieux.

Courtin, emphatique.

Si je monte à la tribune, monsieur, ce n’est pas pour y chercher un vain applaudissement… c’est pour y apporter la juste protestation d’une minorité qui ne s’illusionne pas sur ses forces, mais qui garde intact le respect de ses convictions et de ce qu’elle croit être la véritable tradition du libéralisme français… (Plus simple.) Et pourquoi, je vous prie, ne prendrais-je pas la parole ?

Arnaud Tripier, après une courte hésitation.

Sans doute, sans doute… (Un temps.) Ah ! quel malheur qu’un gouvernement — ceci entre nous, n’est-ce pas ? — qu’un gouvernement comme celui que nous avons soit incapable de comprendre un caractère tel que vous.