Page:Mirbeau - Théâtre III.djvu/149

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tout m’est égal… Mais vous aurez beau prier, menacer, vous ne me forcerez pas d’aller chez un amant dont je ne veux plus… dont je ne veux plus… gagner l’argent qu’il vous faut !

Courtin, se précipitant sur Thérèse, la main levée.

Misérable ! Tais-toi !… tais-toi !… (Il va frapper. Thérèse se préserve le visage avec les mains. Les mains de Courtin retombent.) C’est bien ! Vous pouvez retirer vos mains… Je ne vous toucherai pas… Faites ce que vous voudrez.

Il va lentement, comme à bout de forces, tomber sur le divan, la tête dans ses mains. Long silence.

Thérèse, se retournant et regardant son mari.

Mon ami… mon ami… c’est abominable !…

Courtin, sans regarder Thérèse, le corps plié en avant, sur le divan.

Abominable ! C’est moi qui suis abominable ! Ma pauvre amie ?… (Thérèse va vers Courtin.) Pourquoi faut-il que je vous aie dit… tout ce que je viens de vous dire ? Jamais vous ne l’oublierez ! C’est cette avalanche aussi ! Je ne vois plus devant moi que des gens qui courent… qui me repoussent… que je n’ai plus la force, que je n’aurai jamais plus la force… de rejoindre. On me laisse là… tout seul… Je suis perdu… je suis perdu… J’ai honte… Je suis perdu…

Il pleure.
Thérèse, s’asseyant à son côté, lui prenant les mains.

Ne tourne pas la tête… regarde-moi… Nous pouvons bien nous regarder, va ! (Elle se rapproche encore.) Laisse… laisse… Nous sommes deux pauvres malheureux !

Long silence.