Page:Mirbeau - Théâtre III.djvu/271

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L’amour est partout… son mystère circule au long des avenues invisibles, sous les fourrés, dans les clairières… et son souffle agite les branches… à peine… C’est délicieux !… (Montrant le banc — avec attendrissement.) Et voici un banc, un vieux banc, pas trop moussu, pas trop verdi… un très vieux banc de pierre, large et lisse comme une table d’autel… un autel où se célèbreraient les messes de l’amour…

(Il déclame.)

…J’aime les bancs de pierre, le soir, au fond des bois.
(Un temps.)

… Mesdames, Messieurs, quand le rideau se lève sur un décor de théâtre où se dresse un banc à droite près d’un arbre, d’une fontaine, ou de n’importe quoi, c’est qu’il doit se passer inévitablement une scène d’amour… Ai-je besoin de vous révéler que tout à l’heure, parmi cette nuit frissonnante, — ô mélancolie des cœurs amoureux ! — l’amant, selon l’usage, viendra s’asseoir, sur ce banc, près de l’amante, et que là, tous les deux, tour à tour, ils murmureront, gémiront, pleureront, sangloteront, chanteront, exalteront des choses éternelles… (Regardant à travers le parc.) Qu’est-ce que je disais ?… J’entends un bruit de feuilles frôlées, je vois deux ombres s’avancer lentement à travers les branches… Les voici… Comme ils sont tristes !…


(Entrent lentement l’amant et l’amante. Ils sont tristes tous les deux… L’amante est emmitouflée de dentelles, l’amant est en smoking… Dès qu’ils ont apparu, le Récitant salue le public et sort, à reculons, discrètement.)